Léguer son logement de son vivant. Mode d’emploi

Lorsqu’elles sont propriétaires de leur logement, de nombreuses personnes âgées songent à léguer le bien immobilier aux enfants de leur vivant. En même temps, elles veulent pouvoir rester «à la maison» aussi longtemps que possible. Comment concilier ces deux volontés?

Dans la famille Bernasconi, les enfants ont quitté le foyer familial il y a bien longtemps déjà. À septante et quelques années, les parents habitent encore dans leur maison. Ils aimeraient bien la garder dans la famille et veulent la léguer aux enfants de leur vivant encore. En transférant déjà la propriété, ils espèrent en effet se protéger contre le risque de devoir vendre la maison plus tard pour financer un séjour en maison de retraite ou en EMS.

Différence entre avancement d’hoirie et donation

Quelle est la meilleure manière pour le couple Bernasconi de transférer la propriété de leur maison? La valeur de marché est de 750 000 francs et le couple a un prêt hypothécaire résiduel de 100 000 francs. Lorsqu’ils en parlent avec leurs enfants Antonio, Bianca et Clara, ils ne savent pas trop s’ils doivent transférer la propriété par donation ou par avancement d’hoirie.

Cela n’a en réalité aucune importance pour les biens immobiliers puisque les donations sont traitées comme un avancement d’hoirie et que les enfants sont tenus de répartir les montants. Il n’y a pas non plus de différence d’un point de vue fiscal puisque seuls les cantons AI, NE et VD connaissent un impôt sur les successions et les donations.

Pour les donations mixtes, les détails comptent

En transmettant la propriété à titre gratuit, les parents se mettraient en situation de dépendance financière totale envers leurs enfants puisqu’ils ne disposent pas d’autres actifs. Ils préfèrent donc opter pour une donation mixte, soit une vente sous le prix de marché du bien. Ils proposent un prix de 450 000 francs. La différence de 200 000 francs par rapport à la valeur nette de 650 000 francs serait donc une donation aux enfants (voir encadré). Mais dans ces conditions, Clara ne souhaite pas participer à la transaction. À défaut d’un autre accord, Antonio et Bianca devront compenser ces 200 000 francs envers Clara plus tard, au moment du partage successoral. La même chose vaut pour les plus-values accumulées et les revenus du bien immobilier.

Comment Antonio et Bianca peuvent-ils assumer l’achat? Pour ne pas les obliger à conclure un prêt hypothécaire auprès d’une banque, les parents leur accordent le prix d’achat sous forme d’un prêt rémunéré avec une décote par rapport aux taux de référence des banques. Cette solution est aussi avantageuse pour les parents puisque le prêt constitue un placement bien rémunéré par rapport au compte d’épargne.

Il y a cependant un hic dans cette solution «gagnant gagnant»: en revendant la maison achetée à un prix inférieur à la valeur du marché, Antonio et Bianca pourraient se procurer un avantage injustifié. Les parents peuvent donc prévoir dans le contrat de vente un droit au gain en cas de vente anticipée, d’une part, et un droit de préemption en leur faveur et en faveur de Clara après leur décès, d’autre part.

Les droits d’habitation et d’usufruit n’ont pas du tout les mêmes conséquences financières

Dans la suite des discussions avec leurs enfants, les parents expriment le souhait de vivre longtemps encore dans leur maison, même après en avoir transféré la propriété. Ils proposent donc que les enfants leur accordent un droit d’habitation ou d’usufruit. Cette solution convient à Antonio et Bianca puisque le prix de vente de la maison est diminué de la valeur de ce droit.

Dans le canton de Bâle-Campagne, la contre-valeur du droit d’habitation parental est par exemple évaluée à 291 000 francs. Le loyer net usuel du marché (en l’occurrence 24 000 francs) est multiplié par un taux de capitalisation qui dépend de l’âge et des taux d’intérêt (12,1 pour des personnes de 75 ans et un taux d’escompte de 3,5%). Le droit d’usufruit est par contre évalué à seulement 158 000 francs, soit un peu plus de la moitié, car l’usufruitier doit assumer davantage d’obligations. Il n’assume en effet pas seulement la valeur locative et l’entretien courant de l’objet comme le bénéficiaire du droit d’habitation, mais aussi des charges telles que les intérêts hypothécaires, les assurances, les taxes et l’impôt sur la fortune (voir tableau). L’usufruitier bénéficie en contrepartie de droits plus étendus. Les Bernasconi seraient par exemple autorisés à prendre des sous-locataires, ce qui leur permettrait de compléter leur rente.

Jusqu’à la mort ou le départ pour un home

Aucune des solutions n’offre par contre la protection que les parents cherchaient initialement, à savoir se protéger contre le risque de devoir payer le coût d’une maison de retraite ou d’un EMS en transférant la propriété aux enfants. Quiconque est dans l’impossibilité de faire face à cette charge a droit à des prestations complémentaires (CP). C’est ce que prévoit la loi. Mais cela ne signifie pas qu’il suffit de léguer sa fortune à ses héritiers pour se faire payer le séjour en maison de retraite par les CP. La fortune léguée volontairement est en effet prise en compte dans le calcul des droits, avec une déduction de 10 000 francs par année depuis le legs. Les Bernasconi devront en d’autres termes attendre 20 ans avant que les 200 000 francs transférés aux enfants sous forme de donation mixte ne soient plus pris en compte dans le calcul de leurs PC.

Droit d’habitationUsufruit
CréationRègle: acte authentique
Exception: forme écrite simple pour testament et pacte successoral
Règle: acte authentique
Exception: forme écrite simple pour testament et pacte successoral
DuréeLimitée ou à vie. Résiliation anticipée possible par renonciation unilatérale par le bénéficiaire du droit d’habitation.Limitée ou à vie. Résiliation anticipée possible par renonciation unilatérale par le bénéficiaire de l’usufruit.
DroitsLe bénéficiaire du droit d’habitation est autorisé à habiter lui-même le logement. Le droit est incessible et ne passe pas aux héritiers. Une mise en location n’est donc pas autorisée.Le bénéficiaire du droit d’usufruit est autorisé à habiter lui-même le logement ou à le mettre en loca-tion. Le revenu locatif revient au bénéficiaire de l’usufruit.
Entretien courantÀ la charge du bénéficiaire du droit d’habitationÀ la charge du bénéficiaire du droit d’usufruit
Entretien extraordinaireÀ la charge du propriétaireÀ la charge du propriétaire
Taux hypothécairesÀ la charge du propriétaireÀ la charge du bénéficiaire du droit d’usufruit
Primes d’assuranceÀ la charge du propriétaireÀ la charge du bénéficiaire du droit d’usufruit
TaxesÀ la charge du propriétaireÀ la charge du bénéficiaire du droit d’usufruit
Impôt sur le revenuLa valeur locative est déclarée par le bénéficiaire du droit d’habitation.
Les frais d’entretien, intérêts hypothécaires et primes d’assurance peuvent être déduits par le propriétaire.
La valeur locative est déclarée par le bénéficiaire du droit d’usufruit.
Il peut déduire les frais d’entretien, intérêts hypothécaires et primes d’assurance.
Impôt sur la fortuneLa fortune est déclarée par le propriétaire. Il peut déduire les prêts hypothécaires.La fortune est déclarée par le béné-ficiaire de l’usufruit. Il peut déduire les prêts hypothécaires.

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