La dette publique de la France? Oh mon dieu!

Dans l’ombre de la crise de la dette italienne, les finances publiques françaises échappent elles aussi à tout contrôle. Aucune accalmie, voire inversion de tendance n’est en vue: un fardeau de plus pour la zone euro.

Personne n’ignore que l’Italie a un problème d’endettement. La troisième économie de la zone euro affiche aujourd’hui un endettement public de 140% de son PIB, avec une forte tendance à la hausse: selon les dernières estimations de l’OCDE, le taux d’endettement devrait atteindre 180% de la performance économique dès 2040. Voilà qui amène lentement mais sûrement la comparaison peu glorieuse avec la Grèce au plus fort de sa crise de la dette. En 2015, l’endettement de l’État grec s’élevait à environ 177% du PIB national. L’économie grecque ne contribue qu’à hauteur de 1,7% environ au PIB de la zone euro, tandis que la part de l’Italie s’élève à 16%.

Le niveau de la dette augmente rapidement

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les marchés financiers regardent vers le Sud avec plus ou moins d’inquiétude. Ce faisant, ils risquent cependant d’oublier de regarder plus à l’Ouest. Car en France aussi, le fardeau de la dette a atteint un niveau inquiétant. Ainsi, l’endettement de la deuxième économie de la zone euro a franchi l’an dernier la barre symbolique des trois mille milliards d’euros. En termes absolus, c’est plus que dans n’importe quel autre État membre de l’Union monétaire. Le taux d’endettement s’élève désormais à 112% du PIB. Il y a dix ans, ce pourcentage était encore de 93%, et il y a cinq ans, de près de 98%.

Certes, on est encore loin du niveau italien. Mais les finances publiques françaises sont bien parties pour l’atteindre. En effet, les données dressent un tableau bien sombre du combat contre la problématique de la dette. Ainsi faut-il s’attendre à nouveau à un déficit budgétaire élevé d’environ 4,5% pour l’année en cours, alors que celui de 2023 est déjà estimé à 5%. La France viole donc une nouvelle fois les critères de Maastricht qui limitent à 3% du PIB le déficit annuel.

Rien d’exceptionnel en soi, compte tenu du respect tout relatif des règles de stabilité et de convergence, largement impopulaires (voir aussi le Point de vue du 22 décembre 2023). Ce qui pèse beaucoup plus, c’est l’aggravation du trou dans les caisses de l’État, qui accentue encore l’endettement. La réduction d’un point de pourcentage du ratio d’endettement par an? On en est loin, très loin. L’accord péniblement négocié en décembre par les ministres des Finances de l’UE prévoit précisément une telle réduction pour les États dont le taux d’endettement dépasse 90%.

Des perspectives conjoncturelles mitigées

Les difficultés de Paris à s’engager ne serait-ce que marginalement dans cette trajectoire de réduction sont aussi dues à la situation conjoncturelle. Au dernier trimestre 2023, le PIB français n’avait progressé que de 1,8% par rapport à celui du T4 2019 (dernier trimestre avant la pandémie). À titre de comparaison, la performance économique suisse a déjà augmenté d’environ 6% entre le début de la pandémie et le troisième trimestre 2023. À cela s’ajoute le fait que les perspectives conjoncturelles de la France se sont détériorées et que le moteur industriel reste enrayé (voir graphique). Selon les premières estimations, l’économie française a stagné pour la deuxième fois consécutive au dernier trimestre.

On ne décèle aucun redressement de la dynamique conjoncturelle. Les indices des directeurs des achats évoluent largement en zone de contraction, tant pour l’industrie que pour les services. Le rapport dette/performance économique ne devrait donc pas s’améliorer rapidement via une augmentation significative du PIB.

Les réformes ont la vie dure

La réduction du taux d’endettement passerait donc inévitablement par la réduction du dénominateur, c’est-à-dire par une baisse des dépenses. Seulement voilà, les Français ne sont pas connus pour aimer les réformes, surtout lorsqu’il s’agit de réduire les services publics. Si l’on se souvient des protestations vives et parfois violentes contre l’augmentation de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, on peut sérieusement douter de la capacité du pays à imposer de nouvelles réductions des dépenses. En France, les grèves, manifestations et protestations de masse couvent littéralement derrière chaque pâté de maisons.

C’est sans doute cette pression latente de la rue qui a empêché jusqu’ici le gouvernement d’Emmanuel Macron de prendre des mesures d’austérité drastiques et concrètes. Certes, le ministre des Finances Bruno Le Maire évoque son intention de soulager le budget français d’au moins 12 milliards d’euros. Mais ni lui ni les observateurs du marché ne semblent vraiment convaincus que ces paroles se traduiront en actes. Ainsi l’agence de notation Standard & Poor’s a-t-elle encore accordé la note de crédit AA à la France en décembre, mais l’a placée sous une perspective négative en raison de son endettement.

Combien de temps l’indifférence va-t-elle durer?

Cette situation contraste avec l’étonnante nonchalance des marchés financiers vis-à-vis de la République. Les emprunts à dix ans se négocient avec une prime de 50 points de base seulement par rapport à ceux de l’Allemagne, qui reste un débiteur solide malgré sa débâcle budgétaire (taux d’endettement: 66%).

En réalité, compte tenu de son niveau d’endettement actuel et de ses perspectives conjoncturelles mitigées, la France est bien mal armée contre d’éventuels chocs. Le seul moyen de financer un nouveau programme de crise consisterait à contracter une dette supplémentaire, que ce soit directement par l’intermédiaire du Trésor français ou indirectement via la Banque centrale européenne, même si, bien sûr, l’emprunt ne serait pas formulé en ces termes. Notons également que la France, par sa taille, est too big to fail. Si la petite Grèce n’a pas pu être abandonnée, la France le sera encore moins.

Il est toutefois permis de douter que cette situation profite à la cohésion déjà fragilisée de la zone euro. Elle constituerait plus certainement une nouvelle hypothèque pour l’Union monétaire.

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