«On est prêt à grandir»

La coopérative d’habitation genevoise Codha poursuit des projets ambitieux: le parc immobilier passera de 300 à 1500 logements dans les années à venir. La croissance est cofinancée, entre autres, par la Banque Migros.

«Quand j’étais jeune, j’avais l’ambition de faire carrière chez la Migros», révèle Eric Rossiaud. «J’ai toujours été intéressé par une économie coopérative comme celle du fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler.» Inspiré par ces idées, M. Rossiaud s’est tourné vers le secteur immobilier et, en tant que président de la Codha, il a mis en pratique les idées coopératives.

La Banque Migros – partenaire de l’expansion

En tant que président de la Codha, Eric Rossiaud a mis en pratique les idées coopératives.

La Coopérative de l’habitat associatif, en abrégé Codha, compte à présent 300 logements. À Pra Roman, près de Lausanne, la Banque Migros finance actuellement la construction de près de 90 appartements neufs dans douze immeubles, ainsi que la construction de 140 logements dans le quartier des Vergers à Meyrin, et d’ici quelques années, le parc immobilier de la Codha devrait compter environ 1500 logements. Deux tiers d’entre eux seront situés dans le canton de Genève, un tiers dans le canton de Vaud. M. Rossiaud n’exclut pas l’extension également vers d’autres cantons romands. «On est prêt à grandir », déclare-t-il. «‹Small is beautiful› n’est pas l’adage de la Codha», comme on le lit dans le rapport annuel.

La croissance ne se passera pas du jour au lendemain, car certains de ces projets, comme la caserne des Vernets ou les Plaines-du-Loup à Lausanne, nécessitent une planification à très long terme – de sorte qu’il faudra parfois plus de dix ans jusqu’à la réalisation. «C’est là qu’on voit la force de la Codha, qui sait répondre à un besoin existant», déclare Vincent Hauser. Le conseiller Clientèle Entreprises de la Banque Migros s’inquiète de la disparition de la classe moyenne dans les villes à cause des prix inabordables des terrains. «Les loyers sont excessivement hauts. Aujourd’hui c’est le paradoxe: celui qui est riche, peut accéder à la propriété et paie un taux d’intérêt ridiculement bas comparé au loyer.»

«À Genève, 11 à 12% des logements sont subventionnés», ajoute M. Rossiaud. «Et on sait que près de 40% de la population aurait besoin de ce soutien public. » Les coopératives de construction comblent cette lacune pour la classe moyenne. Mais à Genève, elles ne représentent que 5,5% du marché immobilier, contre 20% à Zurich.

Ce qui distingue la Codha des autres coopératives de construction

La Codha ne poursuit pas seulement des buts sociaux. Un objectif central est l’intégration des principes de la durabilité dans la construction de ses immeubles. «Mais réaliser un logement avec un bon standard écologique ne signifie pas que les locataires vont bien l’utiliser», relativise M. Rossiaud. La Codha est donc en train d’établir un guide écologique pour le quotidien de ses coopérateurs. «On motive les gens à se comporter de façon durable. Nous faisons confiance à la raison et au volontariat, non pas à la contrainte», précise M. Rossiaud. Par conséquent, les locataires sont invités à signer une Charte Environnementale.

De plus, ils doivent signer une Charte Participative. «La Codha, c’est minimiser l’empreinte environnementale, maximiser l’empreinte sociale et approfondir la démocratie», explique M. Rossiaud. En d’autres termes: ce qui distingue la Codha de beaucoup d’autres coopératives de construction est la participation des habitants. Les futurs résidents sont intégrés dès la phase de projet, et après la construction, la gestion de l’immeuble est confiée aux habitants. «Ainsi, ce n’est pas seulement un immeuble, c’est une communauté que l’on crée, où les gens se connaissent et se fréquentent», continue M. Rossiaud. «Le modèle de la Codha jouit d’une grande sympathie: nous comptons déjà 3200 coopérateurs.»

Le financement des coopératives nécessite un savoir-faire particulier

Selon le projet, une longue durée peut s’écouler avant que l’appartement soit prêt clés en main. Car après la maîtrise d’un terrain, les travaux de planification peuvent prendre plusieurs années jusqu’à l’obtention de l’autorisation qui déclenche le crédit de construction. Pour combler la lacune de financement pendant ce temps-là, le canton de Genève a ouvert une ligne budgétaire de 20 millions de francs pour aider le préfinancement des projets en coopérative. «Ces prêts nous ont permis de réaliser beaucoup de projets», ajoute M. Rossiaud. Une autre caractéristique de la promotion genevoise du logement sans but lucratif est la garantie cantonale sur 15% de fonds propres. Cela signifie que la construction ne nécessite que 5% de capital propre.

«Grâce au soutien des pouvoirs publics, les coopératives de logement sont d’excellents débiteurs pour la banque en termes de risque», explique Vincent Hauser. Cependant, les normes bancaires actuelles ne prennent pas en compte les particularités des coopératives. Les loyers sont parfois trop bon marché pour les modèles classiques de la capacité financière, et les banques demandent 20% de fonds propres malgré les garanties de l’État. «Par conséquent, il faut une banque ayant une vaste expérience dans le financement des coopératives de construction», ajoute M. Hauser.

Pour M. Rossiaud, le savoir-faire n’est pas la seule chose qui compte. Il y a une deuxième raison pour laquelle la Banque Migros a été choisie: «Comme nous travaillons sans but lucratif, nous voulons aussi que notre partenaire financier partage nos normes éthiques et vive les valeurs coopératives.»

Que réserve l’avenir?

Eric Rossiaud a lui-même cultivé l’idée des coopératives depuis qu’il a aidé à fonder la coopérative d’habitation genevoise Ciguë en 1986, qui offre aujourd’hui plusieurs centaines d’appartements pour étudiants. Entre-temps, des logements semblables se sont étendus hors des cercles étudiants sous le nom de «clusters». Dans ces «clusters», les habitants bénéficient chacun d’un appartement et partagent la cuisine, la salle à manger ou bien d’autres pièces. «Les 14 premiers clusters seront habités dès juin 2018 dans l’Écoquartier Jonction», précise M. Rossiaud. «Dans tous nos projets en cours, 5% des logements sont des appartements en cluster.»

La société et ses besoins changent radicalement – au profit de l’habitation coopérative. «Nous sommes entrés dans l’ère du ‹Co› (la sharing economy)», explique M. Rossiaud. Vincent Hauser est également convaincu: «On est moins sédentaire, plus nomade. Cela signifie que l’utilisation d’un bien est plus importante que la propriété.»

Néanmoins, la Codha a lancé l’idée de propriété par étage. Mais sans but lucratif, car on ne voudra pas réaliser de profit sur la revente. À l’Assemblée générale de la Codha, cette idée a suscité une grande controverse et une décision a donc été reportée. En 2019, lorsque la Codha célébrera son 25e anniversaire, peut-être proposera-t-elle déjà à ses membres de la propriété par étage sans but lucratif. De plus, 500 appartements supplémentaires seront disponibles en location.

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