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Pris à contrepied

Les cours des actions n’en finissent pas de grimper. Pour la troisième fois consécutive, la Bourse suisse a clôturé l’année sur une croissance à deux chiffres. Reste que l’ambiance n’est pas vraiment à la fête chez les investisseurs. Une enquête de la Banque Migros explique pourquoi.

La recette du succès en bourse tient en quatre mots: « Buy low, sell high. » Mais la réalité est bien plus complexe que ce que ce dicton ne le laisse croire. Comment savoir en fait si un cours est faible ou élevé à un moment donné? Ce n’est qu’après coup que l’on pourra se prononcer avec certitude. Par ailleurs, les surévaluations ou sous-évaluations en bourse pouvant durer des années, l’investisseur doit savoir s’armer de patience.

D’autant plus qu’un facteur émotionnel entre aussi en ligne de compte: pour un investisseur, gagner un franc, ce n’est pas la même chose que de perdre un franc. Ce phénomène – qualifié « d’aversion à la perte » par les scientifiques – a été mis au jour par Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel d’économie. Grâce à ses expérimentations, il a pu démontrer qu’à ampleur égale, une perte affecte bien plus l’investisseur qu’un gain ne lui donne satisfaction.

Ainsi, en moyenne, une perte de 1000 francs doit être compensée par un gain de 2000 francs pour que l’équilibre soit à nouveau atteint sur le plan psychologique.

C’est à cause de l’aversion à la perte que nous avons tendance à privilégier des placements sûrs, afin d’éviter toute performance négative. Revers de la médaille: on peut rater de bonnes occasions d’investir parce qu’on estime que les risques sont particulièrement importants après un effondrement de cours. Les répercussions concrètes de ce modèle comportemental sur les décisions des investisseurs ont été passées au crible dans une enquête de la Banque Migros, qui s’est attachée à évaluer les transactions agrégées réalisées sur des actions par les ménages privés suisses depuis 2011 et à les comparer à l’évolution boursière (cf. graphique). Le résultat est éloquent: lorsque les cours étaient bas, les investisseurs ont nettement plus vendu d’actions qu’ils n’en ont achetées – et ce, à l’opposé du dicton « Buy low, sell high ».

Lorsque les bonnes affaires se profilent, les investisseurs décampent

Prenons l’exemple de 2012, année durant laquelle a débuté le boom boursier qui dure depuis trois ans: avec le recul, nous savons que cela aurait été une excellente opportunité d’achat. Et pourtant, les ménages ont réduit leurs positions en actions d’un montant net de 14 milliards de francs. De nombreux investisseurs ont interprété le redressement des cours qui s’enclenchait comme une occasion de liquider leurs positions, au lieu de profiter durablement de cette période boursière faste. Du reste, la même année, les ménages ont augmenté leurs positions en liquidités et placements en compte à hauteur de 38 milliards de francs – les liquidités ne manquaient donc pas.

La même logique a prévalu lors du crash boursier précédant: à peine avait-on surmonté le creux de la vague que les investisseurs ont commencé à se séparer des titres à revenu variable! Rien qu’en 2004 et 2005, rétrospectivement un moment idéal pour investir, le montant des actions remises sur le marché s’est chiffré à 23 milliards de francs.

Mauvais timing de marché des investisseurs
Mauvais timing de marché des investisseurs
Les investisseurs ont vendu leurs portefeuilles d’actions au mauvais moment, à savoir au tout début de la reprise. Le graphique présente, sous forme agrégée, les transactions en actions réalisées annuellement par les ménages suisses.

L’évaluation confirme une citation très pertinente du légendaire investisseur Warren Buffet: « Le marché d’actions est le seul marché que les gens boudent pendant la période des soldes. » L’aversion à la perte nous pousse à croire que le danger est grand quand les cours ont chuté. Sans compter que nous occultons ainsi que les risques accrus sont déjà présents même lorsque les cours sont faibles. A l’inverse, le fait que les cours montent ne signifie pas que les risques de perte aient diminué en conséquence, mais simplement que les opérateurs du marché sont devenus plus confiants – et donc ont revu leurs prévisions à la hausse.

Pour réussir ses investissements, il faut faire preuve de ténacité et ne pas se laisser influencer par l’atmosphère qui règne momentanément sur les marchés. Le pessimisme ambiant observé après un recul des cours est un signal de vente trompeur. L’effondrement d’octobre est déjà presque un cas d’école (cf. L’impatient rentre son foin mouillé). Et inversement, quand le climat boursier est à l’euphorie, mieux vaut éviter de se laisser gagner par la fièvre acheteuse. Si ce constat peut paraître logique, il est bien dommage qu’il soit si difficile à mettre en œuvre dans la frénésie boursière quotidienne.

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