Le 25 septembre 2022, la population suisse est appelée à se prononcer sur la réforme de l’AVS nécessaire de longue date. Partisans et opposants à la réforme s’affrontent vivement à coup d’arguments percutants. Voici les principales conséquences qu’entraînerait l’acceptation de la réforme qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2024.
À quels défis l’AVS est-elle confrontée?
L’assurance-vieillesse et survivants (AVS) constitue le 1er des trois piliers du système de prévoyance suisse; elle vise à garantir les moyens de subsistance et constitue donc une assurance sociale clé. Elle a été introduite en 1948, à une époque où l’espérance de vie d’un homme de 65 ans était de 12 ans et celle d’une femme de 65 ans d’environ 13 ans. En 2020, l’espérance de vie à 65 ans était de 19 ans pour les hommes et de 22 ans pour les femmes. Cette nette augmentation devrait encore s’accentuer à l’avenir, malgré le coronavirus. Le fait qu’un nombre croissant de personnes atteignent un âge élevé et perçoivent donc une rente plus longtemps représente un énorme défi pour l’AVS. S’ajoute à cela que d’ici 10 à 15 ans, les baby-boomers atteindront l’âge de la retraite. L’équilibre financier de l’AVS est menacé, car les dépenses augmentent plus que les recettes.
Les difficultés financières s’aggravent en outre du fait de l’enlisement des réformes suite à l’échec de toutes les initiatives visant à remanier l’AVS au cours des deux dernières décennies. Le dernier projet en date, la réforme «Prévoyance vieillesse 2020», qui entendait réformer simultanément l’AVS et la prévoyance professionnelle, a été rejeté par le peuple et les cantons en septembre 2017. Or sans réforme, la situation continuera de se dégrader et le financement des rentes ne sera plus assuré à moyen terme. Des réformes s’imposent donc d’urgence.
Quel est l’objectif de la réforme de l’AVS?
Deux objectifs principaux ont été définis: la stabilisation de l’AVS et la garantie du financement jusqu’en 2030. À cette fin, les mesures suivantes sont prévues:
- «Âge de référence» unique fixé à 65 ans (auparavant «âge ordinaire de la retraite»)
- Flexibilisation du versement des rentes
- Augmentation des rentes en cas de poursuite de l’activité lucrative au-delà de l’âge de référence
- Relèvement de la TVA de 0,4%
Harmonisation de l’âge de référence
L’actuel «âge ordinaire de la retraite» est remplacé par l’«âge de référence». Ce terme convient mieux à la nouvelle orientation qui consiste en la flexibilisation de la retraite. Dans le même temps, un âge de référence est maintenu pour le calcul de la rente de vieillesse et la coordination avec les prestations d’autres assurances sociales. L’âge de référence désigne donc le moment où les prestations de vieillesse sont versées sans déductions ni suppléments, ce qui n’implique toutefois pas automatiquement le départ à la retraite. L’âge de référence doit désormais être fixé de manière générale à 65 ans. Le relèvement progressif de l’âge de référence de 64 à 65 ans pour les femmes se fera par tranches successives de trois mois par an (voir tableau ci-dessous). Il est intéressant de noter que l’âge unique de la retraite à 65 ans pour les hommes et pour les femmes était déjà prévu lors de l’introduction de l’AVS. Cette disposition n’a été adaptée qu’après coup.
Âge de référence plus élevé prévu pour les femmes
Année de naissance | Âge de référence (lors de l'entrée en vigueur de la réforme de l'AVS en 2024) |
---|---|
1960 et avant | 64 ans |
1961 | 64 ans et 3 mois |
1962 | 64 ans et 6 mois |
1963 | 64 ans et 9 mois |
1964 et après | 65 ans |
Source: Office fédéral des assurances sociales, AVS 21
En cas d’entrée en vigueur de la réforme en 2024, le relèvement de l’âge interviendrait pour la première fois en 2025 pour les femmes nées en 1961.
Pour atténuer les effets du relèvement de l’âge de la retraite pour les femmes, des indemnités compensatoires sont prévues pour les femmes de la «génération transitoire» nées entre 1961 et 1969. Deux options sont possibles:
Option 1: les femmes travaillent quelques mois de plus et reçoivent un supplément de rente à vie sous forme d’un supplément de base. Celui-ci est échelonné en fonction du revenu et s’élève à:
- 160 francs pour un revenu annuel < 57 360 francs
- 100 francs pour un revenu annuel compris entre 57 361 et 71 700 francs
- 50 francs pour un revenu annuel > 71 701 francs
Le supplément individuel de rente est échelonné en fonction de l’année de naissance et n’est pas soumis au plafonnement de la rente AVS pour les femmes mariées (voir tableau ci-dessous).
Supplément individuel de rente prévu pour les femmes
Année de naissance | Âge de référence | Échelonnement du supplément (en % du supplément de base) |
---|---|---|
1961 | 64 ans et 3 mois | 25% |
1962 | 64 ans et 6 mois | 50% |
1963 | 64 ans et 9 mois | 75% |
1964 | 65 ans | 100% |
1965 | 65 ans | 100% |
1966 | 65 ans | 81% |
1967 | 65 ans | 63% |
1968 | 65 ans | 44% |
1969 | 65 ans | 25% |
Source: Office fédéral des assurances sociales, AVS 21
Exemple de lecture: une femme née en 1961 et travaillant au-delà de l’âge de référence de 64 ans et trois mois jusqu’à 65 ans reçoit à vie un supplément de rente AVS équivalant é 25% du supplément de base. Pour un revenu annuel compris entre 57 361 et 71 700 francs, p. ex., cela représente 25 francs par mois (25% du supplément de base de 100 francs prévu pour cette catégorie de revenu).
Option 2: les femmes perçoivent leur rente dès l’âge de 62 ans. Pour les femmes percevant leur rente de manière anticipée, la rente AVS sera réduite, mais dans une moindre mesure que si elles percevaient leur rente AVS de manière anticipée aujourd’hui (voir tableau ci-après).
Réduction de la rente prévue en cas de retraite anticipée des femmes
Année de naissance | Taux de réduction en % | ||
---|---|---|---|
Revenu annuel < 57 360 francs | Revenu annuel 57 361 - 71 700 francs | Revenu annuel > 71'701 francs |
|
1964 | 0% | 2,5% | 3,5% |
1963 | 2% | 4,5% | 6,5% |
1962 | 3% | 6,5% | 10,5% |
Source: Office fédéral des assurances sociales, AVS 21
Exemple de lecture: une femme née en 1964 qui prend sa retraite avant l’âge de référence de 65 ans et dont le revenu annuel était compris entre 57 361 et 71 700 francs du temps de son activité lucrative voit sa rente réduite de 2,5%.
Flexibilisation de la retraite
Avec la réforme de l’AVS, il sera possible de percevoir la rente de vieillesse entre 63 et 70 ans, et même dès l’âge de 62 ans pour les femmes de la génération transitoire (voir tableau ci-dessus). Jusqu’ici, il était possible d’anticiper le versement de la rente de deux ans au maximum, et de l’ajourner de cinq ans au maximum. De plus, il sera désormais possible d’anticiper ou d’ajourner une partie de la rente (entre 20 et 80%). Les taux de réduction en cas d’anticipation et d’augmentation en cas d’ajournement seront adaptés à l’espérance de vie moyenne. Les réductions devraient notamment être moins importantes pour les faibles revenus. Cette mesure permettra un passage progressif de la vie active à la retraite, qui correspond mieux aux souhaits de la société actuelle.
Incitations à poursuivre une activité lucrative après 65 ans
À l’heure actuelle, toute personne qui travaille au-delà de l’âge de la retraite AVS et dont le revenu dépasse la franchise de 1400 francs par mois doit continuer à payer des cotisations AVS. Ces cotisations AVS supplémentaires n’augmentent toutefois pas la rente de vieillesse existante, de sorte qu’il n’est pas très intéressant d’exercer une activité lucrative au-delà de l’âge de la retraite. Il sera désormais possible de renoncer à la franchise et donc de verser des cotisations sur l’ensemble du revenu AVS de sorte à améliorer la rente AVS. La poursuite du travail permettra alors de combler d’éventuelles lacunes de cotisation et donc d’augmenter la rente AVS.
Relèvement de la TVA de 0,4%
Le financement supplémentaire de l’AVS est régi par un arrêté fédéral distinct, sur lequel le peuple devra également se prononcer le 25 septembre 2022. Cet arrêté est toutefois lié au vote sur la réforme de l’AVS 21, et celle-ci ne pourra être mise en œuvre que si les deux objets sont adoptés. Il est prévu de faire passer le taux normal de la TVA de 7,7% actuellement à 8,1%.
Qui sont les gagnants et les perdants de la réforme de l’AVS?
D’un point de vue strictement financier, les gagnantes de la réforme prévue de l’AVS sont avant tout les femmes à faible revenu proches de la retraite. Par contre, les femmes plus jeunes et dont le revenu est élevé font plutôt partie des perdantes. Cela s’explique par le fait que seule la génération transitoire de neuf années bénéficie de mesures compensatoires et que le montant du supplément est plus élevé pour les bas revenus. En outre, avec la réforme, les femmes doivent cotiser un an de plus à l’AVS et perçoivent une année de rente en moins.
Néanmoins, d’un point de vue démographique, l’égalité entre les hommes et les femmes par le biais de l’instauration d’un âge de la retraite unique est judicieuse. Mais en dehors de l’AVS, d’autres réformes sont nécessaires, telles que des mesures en vue d’assurer l’égalité des salaires, l’aménagement des modèles d’activité lucrative ou encore l’amélioration du statut des femmes dans la prévoyance professionnelle.
Il s’agit toutefois essentiellement de garantir l’AVS pour les prochaines générations de sorte qu’à long terme, la société dans son ensemble bénéficiera de la réforme prévue.
Quelles seront les répercussions de la réforme de l’AVS sur la prévoyance professionnelle?
L’adoption de la réforme de l’AVS a également des répercussions sur la prévoyance professionnelle (2e pilier), et donc sur le système des caisses de pension:
Relèvement de l’âge de la retraite
L’âge de référence AVS unique s’appliquera également aux caisses de pension. Les femmes et les hommes continueront d’avoir la possibilité de choisir à quel moment, entre 63 et 70 ans, ils souhaitent prendre leur retraite. Les institutions de prévoyance restent toutefois libres de prévoir dans leurs règlements un âge différent pour la retraite.
Restrictions liées à l’ajournement de la perception de l’avoir de libre passage à l’âge de la retraite
Le Conseil fédéral envisage d’adapter l’ordonnance sur le libre passage. En conséquence, la perception des avoirs de libre passage ne pourrait être ajournée au-delà de l’âge de référence qu’en cas d’exercice d’une activité lucrative (aujourd’hui, l’ajournement est possible jusqu’à cinq ans au-delà de l’âge ordinaire de la retraite, même si l’on cesse d’exercer une activité lucrative). Cette mesure limiterait les possibilités d’optimisation fiscale liées au versement échelonné des avoirs de prévoyance.
Retraite partielle
En contrepartie, il serait désormais possible de percevoir les avoirs de la caisse de pension en trois étapes au maximum. Cela représente des possibilités d’économies d’impôts supplémentaires grâce au versement échelonné des prestations de la caisse de pension. Certaines caisses de pension prévoient déjà de telles possibilités de retraite partielle, mais à l’avenir, cette option serait réglementée par la loi.
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