Si, en tant que couple, vous ne prenez pas de dispositions relatives au décès, vous risquez d’exposer votre conjoint(e) (ci-après «le conjoint») à des difficultés financières. En particulier lorsqu’un versement doit être effectué aux enfants et que l’argent nécessaire fait défaut. On peut aisément se prémunir contre un tel scénario par l’attribution préférentielle.
Réglementation légale
En règle générale, lorsqu’une personne décède sans laisser de dispositions testamentaires, son patrimoine est réparti conformément à la loi. Pour les couples, il s’agit tout d’abord de clarifier le régime matrimonial. Cela permet de déterminer quelle part du patrimoine matrimonial revient, en termes de valeur, au conjoint survivant au titre du régime matrimonial, et quelle part du patrimoine matrimonial tombe dans la succession. Ce n’est qu’une fois que le montant de la succession est établi qu’il est possible de calculer les prétentions successorales. Les prétentions financières du conjoint survivant consistent donc d’abord en une prétention issue du régime matrimonial, et ensuite seulement en une prétention relevant du droit successoral.
Régime matrimonial
Sauf réglementation contraire, vous êtes soumis, en tant que couple, au régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts. Le patrimoine matrimonial est alors réparti entre biens propres et acquêts.
Font partie des biens propres:
- tout ce que vous apportez dans le mariage;
- tout ce que vous avez vous-même hérité ou reçu pendant le mariage;
- la plus-value obtenue sur les biens propres (p. ex. gains de cours pour les actions et les obligations ou plus-value pour les immeubles);
- les effets personnels (vêtements, bijoux, etc.);
- les indemnités à titre de réparation provenant d’assurances accident ou d’assurances responsabilité civile.
Les acquêts comprennent notamment:
- l’épargne accumulée en tant que couple pendant la durée du mariage à partir des revenus du travail;
- les revenus issus des biens propres (p. ex. intérêts et dividendes sur les obligations et les actions, revenus locatifs d’immeubles).
Sauf convention contraire, le conjoint survivant a droit à ses biens propres et à la moitié de la somme des deux acquêts. L’autre moitié des acquêts ainsi que les biens propres du conjoint défunt constituent sa succession.
Droit successoral
Une fois le régime matrimonial clarifié, le montant de la succession à répartir entre tous les héritiers selon l’ordre successoral légal est clair. En principe, la moitié des acquêts et les biens propres du conjoint défunt tombent dans la succession. Dans la situation d’un couple avec enfants, une moitié de cet héritage revient aux descendants du conjoint défunt et l’autre moitié au conjoint survivant.
Si le conjoint survivant reçoit uniquement ce qui lui revient de par la loi, il sera éventuellement obligé de vendre le logement commun pour réduire ses dépenses fixes ou pour payer les enfants.
Si le conjoint défunt ne laisse pas d’enfants, le conjoint survivant reçoit au moins trois quarts de la masse successorale.
Révision du droit des successions au 1er janvier 2023
Le nouveau droit des successions est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Du point de vue de l’attribution préférentielle, ce sont surtout la réduction de la part successorale des descendants de 3/4 à 1/2 et la suppression de la réserve des parents qui sont importantes. La quote-part disponible s’est donc accrue, ce qui permet de favoriser davantage le conjoint survivant. Vérifiez si vos pactes successoraux et testaments antérieurs requièrent une adaptation en vue d’utiliser la quote-part élargie disponible.
Meilleure couverture matrimoniale
De nombreux couples mariés souhaitent privilégier le conjoint survivant. Le plus simple pour y parvenir est que les autres héritiers, généralement les enfants, renoncent volontairement à leur part jusqu’à ce que le conjoint veuf décède (ou se remarie).
Mais cette solution est souvent vouée à l’échec, parce que les enfants ne sont pas tous d’accord avec une telle réglementation. En outre, une telle renonciation à l’héritage doit être consignée dans un pacte successoral authentifié. Sinon, les personnes défavorisées pourraient changer d’avis à un moment ou à un autre et réclamer leur part.
Possibilités dans le cadre du régime matrimonial: le contrat de mariage
Un traitement préférentiel suffisant du conjoint est généralement possible sans la participation des autres héritiers. Ainsi, les époux peuvent, par exemple, convenir dans un contrat de mariage que le conjoint survivant reçoit la totalité des acquêts – c’est ce que l’on appelle l’attribution du bénéfice. La part des enfants se limite alors à la moitié des biens propres du parent décédé.
Si, en plus du contrat de mariage, la part des enfants est limitée à la part réservataire par un testament en faveur du conjoint survivant, les enfants n’ont plus droit qu’à un quart des biens propres. Les enfants issus de relations antérieures ne sont pas concernés. Ils peuvent faire valoir leur part réservataire sur le patrimoine d’acquêts – même en justice, au besoin.
Participation aux acquêts, communauté de biens ou séparation de biens: quelle est la meilleure solution?
Si le patrimoine matrimonial se compose en grande partie des biens propres d’un seul conjoint, il peut s’avérer judicieux de modifier le régime matrimonial, par le biais d’un contrat de mariage, pour passer de la participation aux acquêts à une communauté de biens. Dans le cas de la communauté de biens, la majeure partie des biens propres se transforme en biens communs appartenant pour moitié à chacun des époux.
Par rapport à la participation aux acquêts, la communauté de biens présente l’avantage que le conjoint survivant n’a pas à prouver ce qu’il a apporté dans le mariage. En effet, plus les couples vivent ensemble longtemps, plus il devient difficile de distinguer entre biens propres et acquêts, car les patrimoines se confondent avec le temps.
Un autre régime matrimonial peut être choisi par contrat de mariage: la séparation de biens. Dans ce cas de figure, chaque époux conserve ses propres biens; il les gère, les utilise et en dispose. Lors de la dissolution du mariage suite au décès (ou divorce), il n’existe alors aucun droit issu du régime matrimonial sur le patrimoine concerné. Dans le cas de la séparation de biens, l’ensemble du patrimoine du conjoint décédé constitue donc la succession et est ensuite partagé entre tous les héritiers. Cela réduit la part héréditaire du conjoint, puisqu’il ne se voit pas attribuer une partie du patrimoine déjà au préalable.
Possibilités en matière de droit successoral: le pacte successoral
Des dispositions successorales – c’est-à-dire un testament ou un pacte successoral – permettent également de favoriser le conjoint survivant. Il est ainsi possible de limiter la part des cohéritiers à la part réservataire et d’accroître la part héréditaire disponible en faveur de la personne survivante. Comme indiqué ci-dessus, il est également possible de conclure avec les descendants un contrat de renonciation à l’héritage.
Si l’on souhaite favoriser au maximum le conjoint survivant, on peut également lui octroyer l’usufruit de la part successorale légale des enfants communs. Le conjoint survivant obtient alors la moitié du patrimoine en propriété et peut en disposer librement. Il peut gérer l’autre moitié à titre d’usufruitier et en conserver les revenus (p. ex. intérêts, revenus locatifs et dividendes). Notez que les enfants issus de relations antérieures peuvent exiger la remise sans restriction de leur part réservataire
Sauvegarder le patrimoine des enfants: clause de remariage et clause de démence
Privilégier le conjoint survivant revient souvent à défavoriser les enfants. Au décès du premier parent, ceux-ci reçoivent moins d’argent que ce à quoi ils ont droit en vertu de l’ordre successoral légal. Les enfants l’acceptent dans la plupart des cas, car ils recevront généralement leur part héréditaire complète au plus tard après le décès du deuxième parent.
Cependant, si le conjoint survivant se remarie, l’héritage des enfants diminue considérablement, car le nouvel époux ou la nouvelle épouse a également droit à la succession. Afin d’éviter de désavantager les enfants, la clause de remariage peut être ajoutée dans le testament, le contrat de mariage ou le pacte successoral. Cela permet, par exemple, de stipuler qu’en cas de remariage du conjoint survivant, les enfants reçoivent immédiatement le montant auquel ils auraient pu prétendre en vertu de l’ordre successoral légal lors du décès du premier parent.
L’héritage des enfants peut également être protégé par une autre clause de sauvegarde: la clause de démence. Celle-ci vise à éviter que, dans le pire des cas, les descendants n’héritent de rien, parce que tout le patrimoine de la famille a été utilisé pour la prise en charge et les soins de la personne démente. Il est important que le contrat de mariage ou le pacte successoral stipule clairement les conditions dans lesquelles les enfants peuvent exiger la part successorale du premier parent décédé. Il peut s’agir, par exemple, du premier diagnostic médical d’une démence ou lorsqu’un certain niveau de soins est nécessaire en institution. Vous pouvez également prévoir d’autres cas où les enfants recevront leur part héréditaire de manière anticipée. Par exemple, l’entrée en vigueur de votre mandat pour cause d’inaptitude, la mise sous curatelle ou le départ en maison de retraite.
Le droit des successions est tellement compliqué que je suis heureuse de tout article expliquant comment on peut privilégier son conjoint et éviter un conflit de succession avec les enfants. J’ai jamais entendu de l’attribution préférentielle, mais elle a l’air d’être la solution parfaite pour ma femme et moi. Partiellement, car elle ne requiert pas le consentement des enfants.