Les banques régionales américaines ne sont pas sorties d’affaire. Une nouvelle secousse se profile en lien avec le marché de l’immobilier commercial. En effet, la hausse des taux d’intérêt augmente le risque de graves défauts de crédit.
Les banques régionales américaines se trouvent prises entre deux feux: d’une part, l’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) a brusquement focalisé l’attention des marchés financiers sur les risques encourus par les établissements de petite et moyenne taille dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. En effet, les établissements financiers dont la somme au bilan est inférieure à 250 milliards de dollars ne sont pas soumis aux tests de solidité et aux réglementations particulièrement strictes qui ont suivi la crise financière. De ce fait, la gestion des risques de ces établissements s’avère souvent laxiste. Trop laxiste, comme le montre le cas de la SVB, mais aussi de la Silvergate Bank ou de la Signature Bank.
Le télétravail pèse lourd
D’autre part, les banques régionales américaines voient se profiler un nouveau front de turbulences, venant cette fois-ci – voire une fois de plus – du marché immobilier américain en difficulté. Mais contrairement à la période précédant la crise financière mondiale de 2008, le risque n’est pas lié à la mauvaise qualité ou à la titrisation douteuse des prêts hypothécaires. Cette fois-ci, c’est la sous-occupation des surfaces commerciales qui suscite des craintes d’une prochaine crise du secteur bancaire. En effet, le télétravail reste largement répandu dans le monde du travail américain, même après la crise du Covid. Par conséquent, de nombreux bureaux restent inoccupés et les grands groupes ont fortement revu à la baisse leurs ambitions en matière de nouvelles surfaces de bureaux. Résultat: dans tout le pays, les taux de vacance n’ont jamais été aussi élevés depuis les années 1980.
Mais les immeubles commerciaux ne sont pas les seuls touchés. Comme les salariés travaillent de plus en plus souvent à domicile, ils se rendent moins au restaurant, ne font pas de courses pendant les pauses et se retrouvent moins souvent autour d’une bière après le travail. La situation est plus ou moins délicate selon le type de surface commerciale. Le problème ne cesse de s’aggraver pour les banques régionales, qui sont les principales prêteuses de l’immobilier commercial américain. Selon une analyse de la Bank of America, elles détiennent environ 70% de ces crédits dans leurs comptes.
Il n’est donc pas étonnant que le cours de leurs actions continue de subir une forte pression (voir graphique). En effet, la crainte d’une nouvelle crise affectant les petites et moyennes banques américaines ne cesse de croître. Rien que cette année, 450 milliards de dollars en crédits immobiliers commerciaux arrivent à échéance et devront être refinancés dans le nouvel environnement des taux. Bon nombre de ces prêts ont été contractés alors que le niveau des taux d’intérêt était encore proche de 0%. Aujourd’hui, le taux directeur aux États-Unis se situe entre 4,75% et 5%.
Les risques conjoncturels augmentent aussi
D’une part, cette situation complique la vie des banques et d’autre part, elle nourrit la crainte d’un resserrement du crédit. Compte tenu du durcissement significatif des conditions de refinancement, les banques se prémunissent contre les risques de défauts de paiement en limitant l’octroi de crédits. Les derniers événements ont prouvé le bien-fondé de ces craintes. Ainsi, en février, un fonds Brookfield n’a pas pu rembourser un prêt de 785 millions de dollars garanti par des tours de bureaux à Los Angeles. De même, Columbia Property Trust – une filiale de la société d’investissement Pimco – n’a pas pu rembourser des prêts d’un montant de 1,7 milliard de dollars. Les bâtiments Twitter à San Francisco et à New York faisaient partie des garanties sur ces crédits.
Dans ce contexte, il faut s’attendre à ce que les difficultés qui pèsent sur les banques régionales américaines se renforcent au lieu de s’estomper. Le ralentissement marqué de l’économie américaine, le durcissement réglementaire qui se dessine et l’accroissement du risque de défaut de paiement dans le secteur de l’immobilier commercial continuent de peser lourdement. La tempête n’est pas finie.
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