L’originalité de la politique monétaire japonaise

La période des taux négatifs n’est pas révolue partout dans le monde. Malgré l’excès d’inflation, la politique monétaire de la banque centrale japonaise reste ultra-expansionniste. Celle-ci entend passer d’un environnement déflationniste à une inflation soutenue par la croissance des salaires, qui stimule la consommation privée. Jusqu’à présent, les résultats sont maigres et le yen est plus faible que jamais.

Le dernier des Mohicans

Dans les années qui ont suivi la crise financière et économique mondiale, de nombreuses banques centrales aux quatre coins du monde ont progressivement assoupli leur politique monétaire. La Banque centrale européenne, la Banque nationale suisse ainsi que les banques centrales au Danemark, en Suède et au Japon ont même misé sur une politique monétaire ultra-expansionniste et donc sur des taux directeurs négatifs. Les objectifs étaient clairs: stimuler la croissance du crédit pour stimuler l’économie et affaiblir la devise nationale pour soutenir l’industrie exportatrice. Juste avant la pandémie de coronavirus, la Riksbank suédoise a relevé son taux directeur. La période de faibles taux d’intérêt a pris fin dans la zone euro, en Suisse et au Danemark l’année dernière, lorsque l’excès d’inflation a contraint les banques centrales à relever rapidement et fortement leurs taux directeurs. La banque centrale japonaise (Bank of Japan, BoJ) est en quelque sorte le dernier des Mohicans à maintenir des taux d’intérêt négatifs.

Une politique monétaire unique en son genre

Le taux directeur de la BoJ est resté négatif depuis 2016, inchangé à -0,1%, même si le Japon n’a pas été épargné par le renchérissement. Le taux d’inflation a atteint son pic (4,3%) en janvier 2023 avant de reculer progressivement. En août, il s’est établi à 3,2%. Ce chiffre reste très élevé pour le Japon. À l’instar de la plupart des autres banques centrales, la BoJ vise un taux d’inflation durable de 2% qui résulte de la croissance des salaires. L’augmentation des salaires est censée stimuler la consommation privée – avec des conséquences positives pour la croissance économique.

C’est pourquoi la politique monétaire au pays du soleil levant est un peu plus complexe et sort de l’ordinaire: l’objectif de stabilité des prix est mis en œuvre grâce à la gestion de la courbe des taux d’intérêt introduite en 2016. Autrement dit, la BoJ, contrairement aux autres banques centrales, ne contrôle pas seulement les taux d’intérêt à court terme, mais également les rendements des emprunts d’État à 10 ans, qui peuvent actuellement se situer entre +0,5% et -0,5%. Cette régulation du rendement est opérée par des interventions massives sur le marché obligataire suisse. La BoJ est le principal créancier du gouvernement japonais et détient plus de la moitié de l’encours des obligations d’État, toutes échéances confondues, qu’elle a accumulées au cours de plusieurs décennies d’achats. Selon l’estimation du Fonds monétaire international, la part de la BoJ dans les emprunts d’État à 10 ans atteint même environ 80%.

En juillet, le gouverneur de la BoJ Kazuo Ueda a annoncé que la banque centrale allait assouplir son contrôle sur la courbe des taux et tolérerait à l’avenir un rendement des obligations d’Etat à 10 ans jusqu’à 1%. L’élargissement de fait de la marge de fluctuation s’explique par deux raisons: d’une part, la BoJ souhaite rapprocher les taux d’intérêt à long terme de l’inflation actuelle et, d’autre part, pour la première fois, elle s’inquiète officiellement de la faiblesse de la devise japonaise. Il s’agit là d’un changement de paradigme. Jusqu’il y a peu en effet, on affirmait que la monnaie ne faisait pas partie du processus décisionnel de politique monétaire.

La baisse du yen favorise les exportations japonaises

Le cycle de resserrement des taux d’intérêt entamé en 2022 par les banques centrales occidentales a entraîné un élargissement progressif du différentiel de taux entre le yen et d’autres monnaies. Cela a déclenché une accélération de la dépréciation du yen, observée depuis des années. En deux ans, le yen s’est nettement déprécié face au dollar américain et au franc suisse (respectivement -31% et -35%). L’économie japonaise étant fortement exportatrice, la forte dépréciation de la monnaie n’a pas entraîné de fléchissement de l’économie. En effet, portée par le commerce extérieur, l’économie a connu une croissance supérieure aux prévisions au cours des deux premiers trimestres de 2023. Le succès des entreprises exportatrices se reflète également dans l’évolution de la Bourse: l’indice phare japonais Nikkei 225, qui comprend de nombreuses entreprises orientées à l’international, a dépassé d’environ 25% son niveau du début de l’année.

Le revers de la médaille

Mais la faiblesse du yen a aussi ses inconvénients. Elle a par exemple renchéri les importations de produits pétroliers dont le Japon est tributaire en raison de l’insuffisance de ses ressources. Comme en Suisse, l’inflation s’est rapidement étendue à d’autres secteurs tels que l’alimentation ou les services courant 2022. La perte de pouvoir d’achat provoquée par la faiblesse du yen pèse donc finalement sur la consommation intérieure, et par conséquent, sur l’évolution conjoncturelle.

La banque centrale japonaise se trouve dans une situation délicate: elle souhaite une inflation, mais l’inflation actuelle n’est pas la bonne. Elle résulte d’un mélange de pénuries d’approvisionnement et de hausses exogènes des prix. La BoJ préférerait une inflation alimentée par la croissance des salaires qui stimule la consommation privée. Or, les salaires progressent bien trop peu actuellement. L’expérience de politique monétaire ultra-accommodante se poursuivra donc, et son issue reste incertaine.

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