Les marchés des actions n’ont plus d’os à ronger

Les marchés des actions persistent à croire que la Réserve fédérale américaine lèvera le pied sur ses relèvements de taux. Ils risquent d’être déçus, car la Fed ne tient pas compte de leur situation dans sa lutte contre l’inflation.

Le nom d’Ivan Petrovitch Pavlov vous dit sans doute quelque chose: vous avez probablement entendu parler de ses expériences sur les chiens. Les fidèles compagnons du lauréat du prix Nobel de médecine ont acquis une véritable renommée mondiale et sont entrés dans la littérature spécialisée dans le domaine de la psychologie. Voici comment:

Youpi, de la nourriture!

I. Pavlov a remarqué que chez les chiens, la production de salive est stimulée dès qu’ils entendent les pas de leur maître. L’eau leur vient littéralement à la bouche alors qu’aucune nourriture n’est encore en vue. Sur la base de cette observation, le médecin a fait une expérience au début du siècle dernier. Juste avant de nourrir ses chiens, il faisait tinter une clochette. Au début, les animaux ne réagissaient pas au son. Mais après plusieurs tentatives, il a constaté que leur production de salive était stimulée dès qu’ils entendaient tinter la clochette. Les chiens avaient appris que la clochette était directement associée à l’alimentation et réagissaient en conséquence à ce son en attendant l’arrivée de leur os.

I. Pavlov a ainsi illustré de manière expérimentale ce que l’on appelle le réflexe conditionné: un stimulus fondamentalement neutre (tintement de la clochette) déclenche une réaction inconditionnelle (production de salive) qui n’était à l’origine pas liée au stimulus.

Les marchés financiers aussi ont des réflexes conditionnés

C’est très intéressant, penserez-vous, mais qu’est-ce que cela a à voir avec le monde des placements? Eh bien, on ne peut s’empêcher de penser que les marchés actions sont une fois de plus soumis à un réflexe acquis depuis plus d’une décennie. Après la crise financière, les investisseurs ont constaté que les vents contraires naissants étaient non seulement étouffés dans l’œuf par les banques centrales, mais qu’ils étaient même transformés en vents favorables par l’ouverture des vannes monétaires. Pour les chiens de Pavlov, le déclencheur était le tintement de la clochette. Pour les marchés actions, ce furent les mauvaises nouvelles sur le front économique: un stimulus à la base non corrélé – voire inversement corrélé (les annonces conjoncturelles) – a entraîné une réaction positive sur les cours, les marchés attendant de se mettre quelque chose sous la dent grâce à un nouveau soutien de politique monétaire. En d’autres termes, «bad news were good news».

En quête de mauvaises nouvelles

Lorsqu’ils cherchent des «bad news» ou du moins de sombres perspectives, les gens trouvent vite leur bonheur. Les indices des directeurs d’achats se situent dans la zone de contraction, le marché immobilier américain se trouve dans un véritable marasme, les conditions de (re)financement des entreprises se sont nettement durcies et l’inflation, notamment sous-jacente, est encore loin d’être maîtrisée. Qui plus est, les marchés financiers s’attachent délibérément à la pire interprétation possible des données économiques, en excluant toute autre analyse. C’est ce qui s’est passé avec les derniers chiffres du marché du travail en provenance des États-Unis. L’attention s’est essentiellement portée sur le ralentissement supposé de l’augmentation des salaires, visible dans les chiffres des salaires horaires moyens. En revanche, on a presque complètement occulté le fait que les indicateurs de salaires moins volatils s’enfoncent en territoire négatif. Ainsi la dynamique de croissance des salaires médians lors des changements d’emploi s’est-elle nettement renforcée, atteignant désormais plus de 15% par rapport à l’année précédente.

La raison de cette attitude semble évidente. Les marchés financiers sont impatients d’entendre la clochette. Et le conditionnement mis en place depuis des années joue à plein: rien que depuis le début de l’année, le S&P 500 a gagné environ 3,3%, le Dow Jones est en hausse de 2,4% et le Nasdaq de 4,4%.

Ces évolutions de cours anticipent en fin de compte un «os à ronger» en provenance de la politique monétaire, mais il ne viendra certainement pas. Concrètement, la Fed américaine ne va pas ralentir ni suspendre de sitôt ses relèvements de taux, comme l’espèrent les acteurs du marché. C’est ce qui ressort clairement de la comparaison entre les prévisions de taux d’intérêt implicites du marché et les projections de taux du Federal Open Market Committee FOMC (voir graphique ci-dessous).

«Don’t fight the Fed»

Or, on voit bien dans les évaluations et la rhétorique des responsables de la banque centrale que celle-ci ne laissera pas les données économiques mitigées influencer sa politique de relèvement des taux. Les responsables sont plus que jamais convaincus de la nécessité de ralentir le marché de l’emploi, pour faire reculer de force le renchérissement, en particulier dans les services. Le dernier compte rendu de la réunion du FOMC indiquait en effet explicitement le lien entre la hausse des salaires et la pression à la hausse sur les prix des services de base.

«Don’t fight the Fed», dit-on souvent en Bourse, pour signifier qu’il ne faut pas se positionner à contre-courant de la politique de la banque centrale. Pourtant, l’évolution actuelle des cours des actions mise énormément sur un revirement monétaire. D’où le risque élevé de déception. Les marchés financiers doivent apprendre à survivre sans os à ronger.

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