Utiliser à bon escient les déductions fiscales permet de réduire ses charges. Dans la première partie de notre dossier fiscal, nous vous présentons les principales déductions professionnelles et générales. Vous découvrirez aussi les changements importants pour vous.
Peut-être que vous aussi, vous remplissez votre déclaration fiscale à l’ordinateur. C’est pratique et bien plus rapide. Certaines déductions sont même effectuées automatiquement par le système. Mais ne vous y trompez pas: vous devez procéder vous-même, de manière individuelle, à de nombreuses déductions fiscales. Pas étonnant dès lors qu’optimiser ses déductions fiscales soit devenu un véritable sport national. D’autant plus que ces déductions ont une importance décisive dans notre système fiscal:
Rien que pour l’impôt fédéral direct, elles totalisent quelque 10 milliards de francs par an.
Hélas, les règles fiscales deviennent de plus en plus compliquées. Le plafonnement des déductions pour pendulaires en est un bel exemple: selon les cantons, des limites fort différentes s’appliquent. L’utilisation d’une voiture de fonction est également soumise à de nouvelles modalités. Avec notre série «5 x 10 conseils fiscaux», nous voulons vous aider à garder la vue d’ensemble dans cette jungle fiscale.
1. Les trajets seront plus chers pour de nombreux pendulaires
Dans la déclaration fiscale 2015, vous aurez le droit de déduire pour la dernière fois vos charges de pendulaire de manière intégrale. Cette déduction sera plafonnée à 3000 francs dès l’an prochain dans le cadre de l’impôt fédéral direct. Mais étant donné que la période de taxation de la déclaration fiscale 2016 tombe sur l’année actuelle, votre comportement de pendulaire actuel a déjà des répercussions sur votre déclaration fiscale.
Si dans certains cantons, la charge fiscale n’augmentera guère suite à cette mesure, dans d’autres, les allers-retours entre le lieu de domicile et de travail deviendront nettement plus chers. Dans notre article «Déduction pour pendulaires: de combien vos impôts augmenteront», nous en indiquons les conséquences à la lumière d’exemples concrets. Vous trouverez en outre un aperçu actuel des réglementations de tous les cantons. Notre article montre que ce changement conduira aussi à un traitement fiscal beaucoup moins avantageux de l’utilisation d’une voiture de service, ce qui devrait continuer à alimenter bien des débats.
2. Nouvelles déductions fiscales pour les frais de formation
Dès 2016, tous les frais de formation et de perfectionnement seront déductibles fiscalement pour tous les employés. Voilà qui renforcera en particulier l’attrait de reconversions ou de formations secondaires volontaires qui, contrairement aux frais de formation continue, ne donnaient droit à aucune déduction fiscale jusqu’à présent. Il s’agit là clairement d’une amélioration, car l’ancienne pratique menait souvent à des interprétations difficiles, par exemple pour savoir si une déduction pour un diplôme post-études était acceptée ou non par les autorités fiscales.
Cette nouveauté prendra effet avec la déclaration fiscale 2016, à remplir l’année prochaine. Cela signifie que vous pourrez déjà y déduire de votre revenu vos frais de formation de l’année en cours. La déduction maximale s’élèvera à 12 000 francs par an pour la Confédération, les cantons pouvant fixer leurs propres plafonds: à Zurich, par exemple, une limite maximale de 12 000 francs s’appliquera également, alors que le Tessin l’a chiffrée à 10 000 francs. A Genève, par contre, il n’y aura aucune limite en la matière sur le plan cantonal. Font aussi partie des charges déductibles, outre les frais d’écolage, les frais de déplacement, le matériel d’école, les repas pris à l’extérieur et même les frais des nuitées. Plus de 90% des contribuables pourront ainsi déduire désormais la totalité de leurs frais de formation professionnelle et continue de l’impôt sur le revenu. Mais tous ces frais devront être dûment justifiés et ne devront pas être payés ni remboursés par l’employeur.
Comme jusqu’à présent, les frais de formation initiale restent exclus de cette règlementation. L’apprentissage et les études d’un premier cursus ne sont donc toujours pas déductibles. De même pour les cours de langue et autres cours de loisirs, pour lesquels aucune déduction n’est acceptée sans un lien minimum avec l’activité lucrative exercée.
3. Repas pris à l’extérieur: référence fixée à 30 minutes
Les avantages fiscaux accordés au titre des repas pris à l’extérieur atteignent au total quelque 500 millions de francs par an, ce qui en fait l’un des postes les plus intéressants de la déclaration fiscale. Concrètement, la déduction forfaitaire s’élève à 15 francs par repas principal pris à l’extérieur. Lorsque l’employeur réduit le prix du repas, la déduction autorisée est divisée par deux (7.50 francs). En revanche, le fisc n’accepte pas de déduction si la distance entre le domicile et le lieu de travail est faible. Selon une décision de la Commission des recours en matière fiscale, le repas de midi peut être pris au domicile si la pause est d’au moins 30 minutes nettes (après déduction du temps de trajet aller-retour).
4. Travail à domicile: frais pour un bureau à domicile
Travailler à la maison est dans l’air du temps. La question se pose donc de plus en plus souvent de savoir quels frais de bureau à domicile peuvent être déduits du revenu. A cet égard, les autorités fiscales exigent trois conditions. Premièrement, une part non négligeable du travail doit être accomplie régulièrement dans le bureau du domicile. Concrètement, la Commission des recours en matière fiscale parle de deux jours de travail complets en moyenne, soit 40% d’un poste à plein temps. Deuxièmement, l’employeur n’est pas en mesure de mettre à disposition de locaux appropriés. Les enseignants doivent par exemple être en mesure de prouver que le bâtiment d’école manque de locaux appropriés afin de pouvoir préparer les cours sans être dérangés. Et troisièmement, le bureau privé doit être utilisé majoritairement et régulièrement pour une part importante du travail professionnel. C’est dans ces conditions que l’assujetti pourra déduire de ses impôts une part des frais de location, d’éclairage, de chauffage et de nettoyage. Mais la pratique des autorités fiscales en la matière est restrictive: le contribuable doit être dans l’impossibilité de travailler dans son bureau, par exemple parce que celui-ci n’est pas assez calme ou parce que le trajet entre son lieu de travail et son domicile est trop long.
5. Disparités en matière de déductions sociales
Les déductions sociales profitent à tout le monde, hommes, femmes, et familles – et ce, indépendamment du revenu. Leur montant est donc le même pour les riches et les pauvres, un principe qui n’est toutefois respecté qu’au plan cantonal. Entre les cantons, en revanche, la confusion est grande quant à savoir comment les déductions sociales sont conçues et s’appliquent de manière concrète: dans le canton de Bâle-Ville, par exemple, les personnes mariées peuvent faire valoir une déduction fixe de 35 000 francs de leur revenu, alors que ce montant est de 18 000 francs pour les personnes seules. Dans d’autres cantons, à l’instar de Zurich ou Vaud, une telle déduction n’existe pas, mais les couples bénéficient du taux d’impôt réduit pour personnes mariées. D’autres cantons encore, à l’exemple de celui de Berne, connaissent les deux: une déduction individuelle et une réduction d’impôt pour les couples mariés.
Enfin, il y le cas de cantons comme l’Argovie, qui ont introduit un procédé dit de splitting en lieu et place de ce qui précède: dans ce système, on additionne les revenus du couple, mais on les divise ensuite par deux (splitting intégral) ou par un pourcentage légèrement supérieur à 50% (splitting partiel).
Ces disparités font que selon le canton, le même revenu, voire l’état civil peuvent entraîner des taxations fort différentes, indépendamment du barème d’imposition. A titre d’exemple: Bâle-Ville a certes un taux d’imposition élevé, mais de généreuses déductions sociales font qu’une famille avec deux enfants ne commence à payer des impôts qu’à partir d’un revenu brut de 66 000 francs. En dessous de ce seuil, les familles ne payent pas d’impôts. Dans le canton de Zurich, par contre, les familles payent déjà des impôts à partir d’un revenu brut de 39 000 francs. Et en Appenzell Rhodes-Intérieures, ce seuil se situe même à 23 000 francs. Vous trouverez d’autres effets concrets tirés de la pratique dans notre article: «Le montant de vos impôts selon les cantons».
Les déductions pour enfants font également partie des déductions sociales. Nous en parlerons en détails dans la deuxième partie de notre série dédiée à la fiscalité: Famille et partenariat (parution le 29 janvier).
6. Le leasing automobile n’est pas intéressant sur le plan fiscal
Fiscalement parlant, les personnes qui ne souhaitent pas payer leur voiture en espèces ont intérêt à souscrire un crédit privé plutôt qu’un leasing. En effet, les mensualités de leasing ne sont pas déductibles, contrairement aux intérêts débiteurs. Comme l’objet reste la propriété de la société de leasing, les mensualités ne représentent pas des intérêts débiteurs, mais simplement des frais en échange d’un droit d’usage. Vous trouverez davantage d’informations sur ce thème ici.
7. Conserver ses justificatifs de frais de maladie – une franchise élevée offre des avantages
Les frais de santé payés par le contribuable peuvent être déduits de l’impôt fédéral sur le revenu. Concrètement, cela concerne la franchise de caisse-maladie, la quote-part personnelle et les factures non prises en charge par la caisse-maladie. Cette règle s’applique uniquement lorsque le montant dépasse 5% du revenu net. Le seuil est identique dans la plupart des cantons. Mais certains sont plus généreux et appliquent des seuils inférieurs: c’est le cas de cantons de SZ et de GL (3%), de SG et du VS (2%) ainsi que de GE (0,5%). BL permet même de déduire tous les frais.
Toutefois, afin de pouvoir déduire ces frais, il faudra être en mesure de présenter les justificatifs correspondants à l’administration fiscale. Les reçus et factures doivent donc être conservés soigneusement, notamment lors de l’achat de médicaments prescrits par un médecin ou de consultations dentaires.
Il faut savoir en outre que la déduction fiscale des frais de maladie peut dépendre du montant de la franchise d’assurance maladie choisie, tout particulièrement pour les revenus nets bas. Les calculs suivants illustrent ce rapport de cause à effet:
Calcul | ||
---|---|---|
Revenu net: | 50'000 francs | |
Limite correspondante de 5%: | 2500 francs | |
Cas 1 | Cas 2 | |
Franchise | 2500 francs | 300 francs |
Quote-part | 700 francs | 700 francs |
Frais de dentiste | 800 francs | 800 francs |
Coûts totaux | 4000 francs | 1800 francs |
Déduction du revenu | 1500 francs | pas de déduction |
Hypothèses:
- déduction forfaitaire pour primes d’assurance maladie
- factures de médecin d’un total de 10 000 francs (remarque: une fois la franchise épuisée, la quote-part personnelle de 10% s’applique jusqu’au montant maximum de 700 francs)
8. De quoi faut-il tenir compte pour les dons?
Les dons aux organisations d’intérêt général sont déductibles de l’impôt fédéral et, dans la plupart des cantons, jusqu’à 20% du revenu brut ou net (JU et TI seulement 10%, NE 5%). Seul Bâle-Campagne ne connaît pas de plafond en la matière. Certains cantons appliquent toutefois un montant minimum, et c’est à Saint-Gall qu’il est le plus élevé, avec 500 francs. Des différences existent également en ce qui concerne les justificatifs exigés: alors qu’à Obwald, tous les dons doivent être dûment attestés, ce n’est le cas en Thurgovie qu’à partir d’un montant supérieur à 1000 francs. Afin d’éviter de longues discussions, la plupart des cantons publient sur Internet la liste des organismes d’entraide qu’ils reconnaissent.
Les cotisations versées aux partis politiques sont déductibles de l’impôt fédéral jusqu’à 10 100 francs. Les cantons permettent de déduire entre 0 (AI) et 20 000 francs (SG, SO, ZG et ZH).
9. Les activités en tant que pompier et autorité administrative sont récompensées
Depuis l’année fiscale 2013, la solde versée pour le service de feu est exonérée de l’impôt fédéral jusqu’à 5000 francs. Tous les cantons ont également introduit cette franchise fiscale fin 2014. Par ailleurs, certains cantons appliquent une franchise fiscale pour les activités secondaires en faveur d’autorités communales, cantonales, scolaires et ecclésiastiques. A Zurich par exemple, l’indemnité peut être intégralement déduite jusqu’à 8000 francs ainsi que 20% du montant restant, dans la limite de 12 000 francs.
Les cotisations syndicales ne sont pas déductibles en tant que frais professionnels au niveau fédéral, mais le sont dans la plupart des cantons (exceptions: AI, FR, NE, NW, OW, SZ, UR, VD et ZG).
10. Intégrer le changement d’année dans les interruptions de travail
Mieux vaut programmer une année sabbatique, un tour du monde ou une autre interruption de travail non rémunérée à cheval sur deux années. Au lieu de faire un tour du monde sur toute l’année civile 2016, il est fiscalement plus intéressant de partir au milieu de l’année 2016 et de revenir à la fin du premier semestre 2017. La progression fiscale est ainsi atténuée sur deux années.
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Bonjour,
Concernant le point 10, êtes-vous sûr que c’est toujours le cas ? J’ai arrêté mon travail fin août et j’ai enlevé mes papiers en Argovie début octobre. Ils ont gonflé mon salaire (calcul très aléatoire qui me fait juste monter de classe pour un revenu que je n’ai pas recu afin de me taxer plus). Est-ce bien légal de taxer une personne sur un revenu fictif ?
Merci de votre réponse.
Meilleures salutations
Cindy
Bonjour Madame Steiner,
Le principe se comporte comme décrit dans l’article du blog. Nous ne connaissons pas les faits et ne pouvons donc pas juger en détail les arguments de l’administration fiscale cantonale. Si l’effort en vaut la peine, nous vous conseillons de vous adresser à un expert fiscal cantonal.
Avec mes meilleures salutations, Urs Aeberli
Je vous remercie pour cet article, toujours d’actualité et qui résume bien les différentes réflexions à faire. J’aimerais vous demander un complément d’information concernant les déductions pour formation. Vous mentionnez que aussi les frais de déplacement, de matériel et des repas, liés à la formation peuvent être déduits à condition de bien les justifier. Par contre la position du bureau des impôts (Vaud) est apparemment discordante à ce sujet, déjà au niveau de principe. Est-ce que ces frais peuvent être déduits que au niveau fédéral et les cantons ont le choix d’être plus stricts?
Je vous remercie d’avance. Eleonora
Bonjour,
Pour l’impôt fédéral, la déduction maximale pour formations et perfectionnements professionnels s’élève à 12 000 francs par période d’imposition. Les cantons peuvent fixer eux-mêmes la limite maximale pour les impôts cantonaux. Le Canton de Vaud a repris la proposition de la Confédération et l’ont également fixée à à 12 000 francs. Les frais de déplacement, de matériel et des repas, liés à la formation, peuvent être déduits.
Avec mes meilleures salutations, Urs Aeberli
Merci pour les infos,
Cet article date de début 2016, pouvez-vous me dire s’il y a des limitations fiscales de déductions de trajet pour 2017 dans le canton de Vaud?
Cordiales salutations,
Bonjour Madame Ruff
Dans le Guide 2016 concernant la déclaration d’impôt vous trouverez à la page 3 la remarque: « en matière d’impôt cantonal et communal, le canton de Vaud n’a pas plafonné la déduction des frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. »
Avec mes meilleures salutations, Urs Aeberli