Experte für den Bankensektor Schweiz: Prof. Andreas Dietrich, IFZ Institut für Finanzdienstleistungen Zug

Secteur bancaire suisse: «Nouvelle donne»

La reprise de Credit Suisse par UBS et le nombre croissant de banques numériques agitent le secteur bancaire et préoccupent la population suisse. Le professeur de finance Andreas Dietrich analyse les événements et se penche sur les défis géopolitiques, l’inflation et les risques conjoncturels croissants.

Professeur Dietrich, après la reprise de Credit Suisse par UBS, il n’y a plus qu’une seule grande banque sur les 239 opérant en Suisse. Dans quelle mesure la disparition de Credit Suisse impacte-t-elle le marché suisse?
Cela dépend du segment dont on parle. La disparition de Credit Suisse entraînera principalement des transferts de parts de marché et aussi des «mouvements de clientèle». Dans le Retail Banking, je pense que la nouvelle grande banque perdra des parts de marché, au profit notamment des banques cantonales. Ces changements seront toutefois très divers selon les cantons, le poids de Crédit Suisse étant très différent d’un marché à l’autre. Dans le segment Clientèle Entreprises, la situation est nouvelle, en particulier pour les grandes entreprises. Celles-ci chercheront sans doute aussi de nouveaux partenaires bancaires. En ce qui concerne l’Asset Management, le gâteau sera aussi repartagé. Cette disparition constitue, en outre, un coup sévère dans la perspective de place bancaire internationale.

Comment jugez-vous aujourd’hui la fin de Credit Suisse? Quelles en sont les raisons? Manque de fonds propres, perte de confiance, ou l’un a-t-il entraîné l’autre?
Les spécialistes se pencheront sur ces événements pendant encore un certain temps. Je suis convaincu que nous tirerons encore des enseignements importants de cette affaire. Je pense aujourd’hui que ce n’est pas une cause unique, mais plutôt une accumulation de scandales et de manquements de la part de CS qui a conduit à cette situation. À un moment donné, tout est devenu soudainement incontrôlable, à une vitesse que le régulateur n’avait pas prévue.

Comment éviter un effet domino? Existe-t-il également un risque pour les banques de détail? De nouvelles approches ne sont-elles pas nécessaires en matière de risque?
L’histoire de la réglementation bancaire et des approches en matière de risque est étroitement liée aux crises bancaires. En règle générale, ce sont les crises qui conduisent à de nouvelles approches et réglementations. La panique bancaire en est un exemple à l’ère numérique. Le moment est venu de réfléchir à la manière dont les concepts de liquidité peuvent être adaptés afin de faire face à ce nouveau défi. Une autre question dans ce contexte est de savoir quel doit être le niveau de fonds propres pour surmonter une crise de confiance. Toutefois, nous devons garder à l’esprit que la réglementation est souvent rétrospective. Les leçons d’aujourd’hui ne sont pas nécessairement les solutions aux problèmes de demain.

Quelles incidences les nouveaux concepts en matière de risque auront-ils sur les modèles économiques?
Pour le moment, il est difficile de prévoir, dans la mesure où on ne sait pas encore si des mesures concrètes seront mises en œuvre à la suite de l’affaire CS, et lesquelles.

Quel rôle jouent à cet égard la garantie de l’État et la garantie des dépôts? Renforcent-elles la sécurité et la stabilité ou, au contraire, créent-elles de fausses incitations au risque? Les garanties d’État et les garanties des dépôts sont dans l’ensemble des instruments importants pour garantir la stabilité et la confiance dans le système bancaire. Toutefois, elles doivent être équilibrées afin de réduire au minimum les risques d’aléa moral et de distorsion de la concurrence. Les autorités de régulation doivent veiller à ce que les banques mettent en œuvre des pratiques appropriées de gestion des risques et à ce que les coûts et avantages de ces mesures de sécurité soient cohérents.

Que signifie l’accent mis sur la sécurité et la stabilité en ce qui concerne les différents segments de clientèle?
Il est important pour tous les clients, tous segments confondus, que la banque soit considérée comme stable et sûre. Le preneur de crédit a, par exemple, souvent son épargne à la banque.

À propos de géopolitique, inflation et conjoncture. Comment nos banques de détail gèrent-elles ce contexte?
D’une manière générale, les banques suisses font preuve d’une grande résilience grâce à leur bonne dotation en fonds propres, en moyenne, et au respect sans faille des exigences en matière de liquidités. Pour les banques de détail suisses, ce contexte n’impose pas de changements drastiques et les effets se font surtout sentir de manière indirecte par le biais des taux d’intérêt ou d’événements sur les marchés financiers. En revanche, cette évolution a une importance bien plus grande pour les banques opérant au niveau international.

En parlant de concurrence, celle-ci est également un moteur d’innovation. Quelles sont les tendances et les néo-banques prennent-elles le pas sur les institutions financières traditionnelles en matière de numérisation?
Il y a plusieurs choses dans le domaine de l’innovation. À mon avis, les services bancaires axés sur les données, les services bancaires ouverts, la technologie des registres distribués ou la durabilité dans le système bancaire sont, par exemple, des axes importants. La présentation personnalisée de contenus et de produits «pertinents» aux clients «pertinents» via les points de contact «pertinents» au bon moment devient ainsi de plus en plus importante. C’est ce que révèle aussi notre étude sur le degré de numérisation des banques de détail opérant en Suisse dans le segment clientèle privée. Les banques doivent tout mettre en œuvre pour occuper l’interface client. Les néo-banques ont accru la pression sur les banques, et ces dernières doivent évoluer dans différents domaines (tarification, simplicité des applications pour smartphone, certains services bancaires, etc.). Toutefois, les banques traditionnelles ont encore un net avantage en ce qui concerne l’étendue de l’offre et le conseil.

Regardons vers l’avenir: où en sera la place financière suisse dans cinq ans?Nous espérons qu’elle se maintiendra et que surtout, les activités sur le marché intérieur continueront d’être de haute qualité. Le Wealth Management restera également un axe majeur du secteur. Je pense toutefois que la place financière perdra de son importance dans une perspective internationale. Dans le même temps, j’espère que nous ferons des progrès significatifs par rapport à aujourd’hui dans le domaine de la durabilité et de l’innovation numérique.

Andreas Dietrich

Andreas Dietrich est professeur à la Haute École de Lucerne et dirige l’Institut für Finanzdienstleistungen de Zoug (IFZ). 

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