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«Le monde du travail continuera de changer après 2021»

Travailler à domicile a fait ses preuves durant les confinements, et le télétravail est donc «venu pour rester». Cela a également des répercussions sur les marchés des surfaces résidentielles et de bureaux, déclare Patricia Reichelt, responsable Recherche et analyse du marché et membre de la Direction générale élargie de CSL Immobilien à Zurich, partenaire de la Banque Migros.

(L’interview a été publiée en allemand dans le numéro de mai du magazine «Immobilien Business» / Texte: Birgitt Wüst)

Suite à la crise du coronavirus, l’économie suisse connaît la plus forte récession depuis des décennies. Quel impact cela a-t-il sur le marché zurichois des surfaces de bureaux?

Patricia Reichelt: De nombreuses entreprises ont été déstabilisées et ont donc reporté à plus tard leurs décisions en matière de planification des surfaces, ce qui a eu des répercussions sur l’absorption des surfaces. Fin 2020, la surface de bureaux disponible dans un délai de six mois dans l’espace économique zurichois s’élevait à quelque 800 000 m2, soit 8% de plus que l’année précédente. Dans l’ensemble, le marché zurichois des surfaces de bureaux s’avère ainsi relativement stable, mais il existe une forte différenciation régionale.

Que cela signifie-t-il concrètement?

La situation dans le centre-ville de Zurich est différente de celle de la périphérie. En ville, la structure sectorielle largement diversifiée garantit la stabilité sur le marché des bureaux. L’année dernière, les entreprises TIC, les secteurs de la santé, de la médecine et des produits pharmaceutiques, les entreprises de conseil et les établissements de formation, entre autres, ont suscité la demande également en période de pandémie. Mais même dans des endroits moins centraux où l’offre de surfaces de bureaux a nettement augmenté en raison de la forte activité de construction ces dernières années, comme Zurich Nord, l’évolution est inégale – là aussi, de nombreux succès commerciaux ont été enregistrés en 2020, par exemple à l’aéroport. Les surfaces de bureaux modernes directement raccordées au réseau ferroviaire et avec des offres de restauration et de loisirs suffisantes dans les environs trouvent encore des locataires dans l’agglomération, alors que les objets qui ne peuvent pas offrir ces caractéristiques ne sont plus guère demandés.

Avec les confinements, le télétravail est devenu à la mode. Après cette «répétition générale» involontaire mais réussie, la question se pose de savoir si, après la pandémie, le bureau aura la même place qu’auparavant pour les entreprises.

Les réactions des entreprises et des collaborateurs varient. D’une part, il y a les entreprises et les employés qui apprécient les échanges personnels au bureau et, de l’autre, les entreprises qui réduisent leurs surfaces au profit d’une part plus élevée de télétravail et les collaborateurs qui préfèrent travailler sans être dérangés et sans avoir de trajet. Une chose est certaine: le télétravail est venu pour rester. Il n’est pas encore possible de déterminer la mesure dans laquelle le télétravail structurel subsistera et l’incidence que cela aura sur le marché des surfaces de bureaux. Nous constatons cependant que les entreprises commencent déjà à réduire leurs surfaces.

Dans quels ordres de grandeur?

On parle d’une réduction de moitié pour les groupes et les grandes entreprises, et d’un tiers environ pour les PME.

Il faut donc s’attendre à une nouvelle hausse des taux de vacance…

Reste à savoir si ces plans seront effectivement mis en œuvre dans toutes les entreprises; dans de nombreux cas, les contrats de location à long terme empêchent leur réalisation dans un proche avenir. En outre, les employés sont de plus en plus nombreux à souhaiter retrouver les contacts sociaux et pouvoir retourner au bureau; ils sont fatigués du télétravail, dont il s’est d’ailleurs avéré que l’efficacité diminue. C’est surtout le cas pour le transfert de connaissances: les jeunes collaborateurs doivent encore apprendre – or cela ne peut se faire que mutuellement et côte à côte, et non par le biais de conférences Zoom. Même si une grande majorité des locataires de bureaux envisagent de maintenir des formes hybrides de travail après la pandémie, avec une plus grande part de télétravail, cela ne signifie pas qu’il faille moins de surfaces de bureaux. Le bureau n’est pas mort, il sera seulement utilisé différemment: comme lieu de rencontre et de collaboration, qui a une grande importance pour la création de valeur et la productivité, ainsi que pour l’identification des collaborateurs avec l’entreprise – bref pour la culture d’entreprise. 

Qu’est-ce que cela signifie en termes de demande?

Les exigences relatives à l’emplacement et aux surfaces de bureaux vont augmenter; les sites centraux bien desservis, dans un environnement urbain avec de nombreuses offres et une flexibilité au sein de l’objet loué, seront recherchés. Le monde du travail continuera de changer au-delà de 2021. 

Cette évolution a-t-elle des répercussions sur les marchés de l’immobilier résidentiel?

Certainement – car les personnes en télétravail n’ont pu éviter de s’intéresser davantage à leur situation en matière de logement. Avoir un chez-soi agréable est devenu plus important. Ce phénomène a surtout profité au segment de la propriété, toujours stimulé par les taux d’intérêt bas; la demande y a largement dépassé l’offre en 2020. Comme je l’ai mentionné, le télétravail est venu pour rester – et il a besoin de place. Cela n’implique pas nécessairement une pièce supplémentaire, mais les domaines du logement et du travail devraient être séparés dans l’espace ou par des solutions architecturales internes. L’équipement technique doit également être adapté: pour que le télétravail fonctionne correctement, il faut une connexion internet rapide et fiable. Il est possible de travailler «à la table de la cuisine» à titre provisoire. Mais les personnes qui travaillent en permanence ou régulièrement à domicile chercheront un logement plus adapté à leurs nouveaux besoins. Cette évolution a été particulièrement perceptible dans le segment de la propriété, où l’espace extérieur privé et un bon ensoleillement ont aussi fortement gagné en importance. Et les ménages qui en ont les moyens cherchent à disposer d’une pièce supplémentaire.

Quel est l’impact sur la demande de logements?

La pandémie a laissé des traces en ce qui concerne la propension au paiement et la capacité financière. De larges pans de la population ne peuvent ou ne souhaitent plus payer n’importe quel loyer ou prix d’achat. Les prix élevés en ville de Zurich ont depuis longtemps entraîné un déplacement vers les environs, où les loyers et les prix des logements sont plus bas ou, du moins, qui offrent davantage de surface pour le même prix. Cette tendance s’est accentuée en raison de l’incertitude économique et également du fait du télétravail.

Comment cela se traduit-il?

Locataires et acheteurs ont entre-temps élargi leur rayon de recherche au-delà des zones relativement proches de la ville. C’est particulièrement le cas dans le segment de la propriété: même des objets situés dans des endroits moins attractifs, qui étaient auparavant très difficiles à commercialiser, ont trouvé preneur. Nous constatons également que les logements de 2,5 pièces sont absorbés assez rapidement et que les couples et les familles recherchent de plus en plus des logements de 4,5 pièces, pour autant qu’ils soient abordables. La situation est différente pour les appartements de 3,5 pièces, qui sont souvent trop chers pour une personne et trop petits pour les couples ou les familles.

Quelles villes et communes de l’agglomération sont privilégiées?

Il n’est pas possible de répondre de manière globale à cette question. Les sites qui disposent d’une bonne infrastructure, d’un bon accès aux transports publics, proches de magasins, d’écoles et de jardins d’enfants ainsi que d’activités culturelles et de loisirs restent très demandés. En 2020, les nouvelles constructions situées dans des emplacements très bien desservis, en particulier, ont été rapidement absorbées dans le segment locatif. Mais l’importance des zones de loisirs à proximité s’est également accrue.

La demande d’appartements locatifs à Zurich diminue-t-elle? Dans toute la Suisse, les taux de vacance sont déjà en hausse…

Ce n’est pas le cas pour la ville de Zurich: la demande de logements reste très élevée dans une ville comme Zurich, connue pour sa force économique, ses centres de formation, ses offres culturelles et sa qualité de vie élevée. Qui plus est, avec sa grande offre de bureaux partagés, Zurich propose une alternative pour les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas travailler à domicile. Le taux de vacance n’y est que de 0,15%, ce qui veut dire qu’il y en fait une pénurie de logements. Il n’y a vacance que pour les objets du segment de prix haut de gamme, s’ils ne répondent pas aux exigences du segment locatif auxquelles ils doivent satisfaire.

Quelles sont ces exigences, par exemple?

Non seulement l’emplacement et la taille, mais aussi la qualité et l’équipement d’un appartement doivent convenir: l’absence de balcon ou de terrasse, ou des dalles et revêtements de sol démodés dans la salle de bains ou la cuisine, ne répondent pas aux attentes du public cible. L’offre doit être appropriée.

L’«exode urbain» que l’on observe dans de nombreuses métropoles s’applique-t-il également à Zurich?

Non. Même si l’agglomération et les zones rurales deviennent encore plus attrayantes du fait du télétravail, on ne peut pas parler d’«exode urbain». Zurich n’est pas comparable à Londres; les trajets d’une à deux heures par jour n’y sont pas la règle et l’on est très vite en pleine nature. Et comme je l’ai déjà mentionné, Zurich est une ville très attrayante qui présente de nombreux avantages. La forte pression de la demande subsiste.

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