En Suisse, l’emploi et le taux de chômage augmentent. L’époque du plein emploi est révolue, mais la situation actuelle n’est pas préoccupante.
Ces dernières semaines, deux offices fédéraux ont publié des statistiques sur l’évolution du marché du travail qui signalent toutes deux un potentiel ralentissement conjoncturel. Ainsi le taux de chômage corrigé des variations saisonnières, d’après le nombre de chômeurs inscrits dans les offices régionaux de placement (ORP), s’élevait à 2,6% en octobre selon le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Le taux de chômage a donc augmenté par rapport au premier semestre 2023, où il était de 2,0%. À l’époque, la Suisse connaissait le plein emploi. Depuis, les ORP ont enregistré près de 25% de chômeurs de plus qu’il y a douze mois.
Outre les bénéficiaires de prestations de l’assurance-chômage, d’autres demandeurs d’emploi peuvent s’inscrire auprès des ORP. Il s’agit notamment de personnes qui ont épuisé leurs droits aux prestations de chômage ou qui souhaitent réintégrer le monde du travail. Elles bénéficient ainsi de l’offre de formation des ORP et peuvent accéder à la liste des offres d’emplois. Depuis la mise en œuvre de l’initiative populaire «contre l’immigration de masse», il y a une obligation d’annonce des postes vacants dans les types de professions ayant un taux de chômage élevé.
Les statistiques du marché du travail sont un indicateur différé au sein de l’analyse conjoncturelle. Les dernières données disponibles révèlent des tensions accrues sur le marché du travail suisse: alors que le nombre de demandeurs d’emploi augmente, celui des postes vacants diminue. Mais on peut se demander si le recul du nombre de postes vacants annoncés aux ORP signale réellement une évolution négative. En effet, il se peut que cette baisse soit due à un recul du taux de chômage dans certaines professions qui ne sont, dès lors, plus soumises à l’obligation d’annoncer les postes vacants. Toutefois, on peut douter d’une telle conclusion pour au moins deux raisons. Premièrement, les emplois vacants soumis à l’obligation d’annonce représentent la moitié des emplois recensés. Deuxièmement, l’analyse approfondie des offres d’emploi en ligne montre aussi une tendance négative. On peut donc en déduire que la situation sur le marché du travail se détériore. C’est vrai, mais cela ne reflète qu’une partie de la réalité.
L’emploi progresse
En effet, il convient aussi de tenir compte des données de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Contrairement au SECO, l’OFS mesure le taux de chômage selon la définition du Bureau international du travail (BIT). Basé sur des calculs différents, le taux de chômage du BIT est en général beaucoup plus élevé que celui du SECO: selon le BIT, les chômeurs incluent toutes les personnes de la population résidente permanente en Suisse qui sont sans emploi, activement à la recherche d’un emploi et disponibles immédiatement. En octobre, le taux de chômage selon le BIT corrigé des variations saisonnières a grimpé à 4,5%, encore inférieur au niveau d’avant la pandémie.
Comme il se base toujours sur la même méthode de calcul, ce taux permet des comparaisons internationales. D’où un résultat intéressant: contrairement à la Suisse, le chômage a reculé ou s’est stabilisé dans les pays voisins pendant une période conjoncturelle difficile. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Suisse a peut-être aussi joué un rôle à cet égard.
Au troisième trimestre, l’emploi a progressé au sens où le nombre d’actifs a augmenté de 0,7% en glissement trimestriel. L’enquête sur la population active en Suisse révèle une nette différence entre l’augmentation de l’emploi des travailleurs suisses et celle des travailleurs étrangers. Sur un an, l’emploi des Suisses a progressé de 0,4%, tandis que celui des étrangers qui résident dans le pays depuis moins de 12 mois a augmenté de 4,4%. Par ailleurs, le nombre de frontaliers a fortement progressé, franchissant la barre des 400 000 personnes pour la première fois.
Un décalage sur le marché du travail
À première vue, il peut paraître paradoxal que l’emploi et le chômage augmentent en même temps. Cette situation s’explique par un déséquilibre croissant entre les qualifications demandées par les entreprises et l’offre de main-d’œuvre disponible en Suisse. Les entreprises contournent ce décalage en recrutant des collaborateurs étrangers. Ce problème structurel ne se résoudra pas rapidement, car la reconversion des chômeurs demande du temps et des ressources, et pour mieux exploiter le potentiel national, il faudrait des réformes en profondeur dans différents domaines.
Donc comment se porte le marché du travail? Il ne va pas si mal. La faiblesse de la demande extérieure pour les produits suisses, conjuguée à la vigueur du franc suisse, a laissé des traces sur l’emploi en Suisse dans l’industrie exportatrice. Les derniers sondages signalent cependant déjà une reprise de ce secteur.
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